Les faïenceries de PEXONNE et de BADONVILLER sont étroitement liées. Les deux communes ne sont distantes que de 3 kilomètres !
PEXONNE a débuté sa production en 1720 et BADONVILLER près de 180 ans plus tard.
En fait, BADONVILLER est le résultat d’un différent familial au sein de la famille FENAL qui a conduit Théophile à se démarquer des siens et à fonder sa propre manufacture de faïences à quelques kilomètres de la précédente.
Il est donc bien naturel que le Musée-Atelier Céramique et Verre de BADONVILLER regroupe, sous un même toit, des pièces en provenance des deux faïenceries.
Ces pages vous invitent à découvrir notre musée, témoin de la belle activité faïencière qui a régné dans ce coin de Lorraine pendant plus d’un quart de millénaire.
Préambule de Christian HARTZ, vice-président de l’Association « Art et Culture en Badonvillois ».
LA FAÏENCERIE DE PEXONNE.
La manufacture de Pexonne est née dans les années 1720 par lettre patente du Duc de Lorraine, à proximité d’une forêt et d’une carrière où affleurent huit couches d’argile. Elle produit de la faïence commune diffusée en Alsace et en Suisse. Elle est l’une des plus anciennes de Lorraine.
Elle change de propriétaire 3 fois jusqu’en 1828 où elle est rachetée par Nicolas Fenal qui recrute pour leur savoir-faire, des ouvriers à Niderviller et à Saint Clément. La marque de l’usine devient Fenal Frères (FF, Pexonne) et elle produit de la faïence commune, de la faïence fine, des poêles à bois, mais aussi des briques et des tuiles. En 1891, une nouvelle usine est construite à quelques centaines de mètre de l’ancienne et continuera à produire durant une vingtaine d’années, des poêles de faïence. En 1897, la manufacture est en indivision entre les 3 arrières petits-enfants. En désaccord avec la politique familiale, Théophile Fenal vend ses parts de l’entreprise et fonde sa propre manufacture à Badonviller (5 kms de Pexonne). C’est à ce moment là que la marque Fenal Frères va être déposée pour la première fois au tribunal de commerce de Nancy. La manufacture continuera à produire en rivalité avec celle de Badonviller et elle comptera au maximum 600 ouvriers.
Dès 1836, elle appartient entièrement à Nicolas FENAL. A sa mort en 1857, ses enfants l’exploiteront en société de fait : FENAL Frères (FF)
Après la guerre de 1870, avec l’arrivée d’immigrants de Sarreguemines, la qualité de la faïence de Pexonne évolue. Des fours de conception moderne sont mis en place et la vieille faïence à pâte colorée cède la place à la pâte blanche et à l’émail transparent.
La création de la ligne de chemin de fer BACCARAT-BADONVILLER qui dessert l’usine de Pexonne favorise le développement. En 1897, l’indivision FENAL Frères –oncles et neveux- dépose ses marques. C’est l’Age d’Or de la manufacture qui atteindra 389 ouvriers en 1900.
La production, pas toujours identifiée, sera très variée (de la vaisselle aux poêles de faïence) et de bonne qualité. La vie des ouvriers des faïenceries de PEXONNE au début du XX° siècle était dure. Ils venaient-femmes, hommes et enfants- de PEXONNE, FENNEVILLER mais aussi de NEUFMAISONS et BADONVILLER.
Tout le monde allait travailler en espadrilles l’été et en sabots l’hiver, dans la poussière et sous le soleil l’été, dans la neige l’hiver.
Le travail journalier était depuis la loi de 1848 « limité » à 12 heures. Une loi de 1892 avait réduit cependant le travail des femmes à 10 heures…
Les ouvriers de NEUFMAISONS et BADONVILLER apportaient leur repas de midi dans des « pots de camp » mais pour la majorité d’entre eux, c’était l’épouse ou la fille ainée qui allaient porter le repas jusqu’à PEXONNE.
Dure, dure, la vie en 1900, pour les ouvriers de « la belle époque »…
La première guerre mondiale endommagera gravement l’usine de PEXONNE.
Rapidement reconstruite et modernisée, la faïencerie subira à nouveau des atteintes pendant la seconde guerre mondiale.
Le 27 août 1944 est un jour noir pour la commune : 112 homme sont raflés et déportés par les allemands (17 seulement reviendront des camps) http://pexonne27aout44.net
M. de VITRY est parmi les morts, ainsi que son fils Guy.
La vie reprendra en octobre 1945 à la faïencerie, avec une production d’articles utilitaires, bientôt améliorée.
Les exportations reprennent, notamment vers l’Afrique du Nord.
Mais les ravages de la guerre laisseront de profondes cicatrices : le matériel est défectueux, la production baisse.
En 1953, la génératrice tombe en panne et les investissements trop importants conduisent à la fermeture de la faïencerie de Pexonne. Il subsiste jusqu’en 1979, une tuilerie (qui date du 16ème siècle). Puis les carrières d’argile sont rachetées pour la construction du cœur du barrage de Pierre-Percée.
(Inspiré de M. Pierre PONCET, sur des sources de Marcel GRUBER et Mme de VITRY).
LA FAÏENCERIE DE BADONVILLER.
Théophile FENAL est né à BADONVILLER. Docteur en Droit, il sera avocat à LUNEVILLE dans un premier temps.)
Il dirigera avec son cousin la faïencerie de PEXONNE.
A 46 ans, il ne s’entend pas avec Maurice de VITRY et décide de sortir de l’indivision familiale.
En 1898, il réalise son projet : créer une nouvelle manufacture à BADONVILLER, distante de 3 kilomètres de PEXONNE. Cette réalisation provoquera dans la famille une crise profonde et prolongée.
La première faïence portera la marque TF. (Théophile FENAL)
La faïencerie de BADONVILLER est moderne. Théophile FENAL y développera une politique sociale novatrice : participation aux bénéfices pour les ouvriers, création d’une Caisse de Secours Mutuelle, d’une caisse de Prévoyance…Elle prend un essor important puisqu’elle débute avec 300 ouvriers, dont le modeleur de Pexonne, Mr Adrian et 20 des meilleurs ouvriers de la manufacture concurrente. La nouvelle voie de chemin de Fer entre Baccarat et Badonviller, apporte les matières premières et le charbon à l’usine et permet aussi l’écoulement de la production. Construite de façon linéaire, on pouvait passer d’un atelier à l’autre sans sortir de l’usine : le moulin, la forge, la génératrice (d’abord à vapeur puis une dynamo), la chaudière, la salle des tours des faïenciers, l’imprimerie, le façonnage, le séchoir, les fours, la décoration, l’atelier de trempage (émaillage), l’atelier de choisissage.
A BADONVILLER, le décor « peint à la main », dont le coût de production est relativement élevé, sera peu pratiqué.
L’impression par papier transfert imprimé à partir d’une plaque de cuivre sera utilisée, mais ne permet qu’une seule couleur.
Début du XXème siècle, apparait la décoration à l’aérographe (Vapo), permettant l’utilisation de plusieurs couleurs.
Théophile FENAL meurt en 1905 et son fils Edouard lui succède. Il apportera une recherche de la qualité. C’est l’époque des services de toilette style « Art Nouveau » et des services de table à 74 pièces décor « Champagne ». Une quatrième cheminée s’élève dans le ciel Badonvillois…
La première guerre détruira aux trois quarts les bâtiments. La fin des hostilités voit la reconstruction et fin 1919, la production reprend.
Dès 1921, les affaires sont florissantes. On érige une cinquième cheminée. Les « avancées » sociales sont reprises et renforcées. Les économies du personnel peuvent être placées dans l’entreprise et garanties par un intérêt à 4%, on dispense des cours de cuisine et de couture. Création d’une harmonie municipale « la Céramique »).
C’est l’âge d’or du paternalisme industriel ! L’idée qui prévalait alors – pour certains patrons éclairés, chrétiens ou libéraux – était l’idée de prendre soins de “leurs” ouvriers afin qu’ils soient contents – voire fiers – de leur entreprise, productifs au travail et fidèles à l’employeur qui situait souvent son action économique dans un modèle de l'”emploi à vie pour ses ouvriers”. C’est-à-dire que les pauvres ou plus généralement les classes populaires ont besoin d’être encadrés, orientés, moralisés afin de pouvoir accéder éventuellement au statut envié des classes moyennes ou privilégiées. Ce patronat a surtout mis sur pied des œuvres ouvrières destinées à contrôler les ouvriers, et les encadrer et à tenter de les emmener progressivement à un mode et à une hygiène de vie salvateurs, en rentrant donc dans un système de production.
De 1925 à 1936, malgré la récession, la faïencerie travaille à plein rendement. On produit des services de toilette, des services de table, des déjeuners de style Art Déco où l’on reconnait l’inspiration de l’artiste Géo CONDE.
Edouard FENAL réalisera, de 1922 à 1925, une opération industrielle considérable : l’absorption des manufactures Keller et Guérin de Lunéville-Saint-Clément( déjà réunifiées depuis 1890).
Les mouvements populaires de 1936 finirent par gagner l’usine…Arrêt des fours, séquestration de dirigeants locaux…
Edouard FENAL vécu très mal ces évènements. Il annoncera ses décisions : application de toutes les lois du Front Populaire, mais il retirera tous les autres « avantages » qui avaient été consentis jusque-là ! Le travail reprendra, mais à BADONVILLER comme ailleurs, on subira les effets de la crise : diminution du pouvoir d’achat, chômage.
La faïencerie traversera la seconde guerre mondiale. Fermée pendant un an et demi, la production reprendra avec un effectif réduit et finira par subir les exigences des allemands qui réquisitionneront les trois quarts de la production.
Après la guerre, sous l’impulsion de Gilbert FENAL, fils d’Edouard, s’ouvrira une période faste. C’est à cette période que nombre de femmes iront travailler à l’usine, pour pallier aux conséquences de la guerre et à la disparition de nombreux hommes. Elles doivent souvent assumer seules l’éducation des enfants. Rappelons par exemple, qu’après le 27 août 1944, Pexonne était devenu un village sans hommes !! Ce sont ces veuves courageuses qui ont du subvenir aux besoins des enfants et des vieillards !
L’effectif de l’entreprise atteindra 1100 salariés, dont une partie est issue de plusieurs vagues d’immigrations. Ce sont tout d’abord des travailleurs Turcs dans les années cinquante, puis des Italiens, des Portugais, quelques familles Belges, Russes, Hongroises, Polonaises. Ces ouvriers se sont installés à Badonviller pour y travailler et y vivre. Ils y ont apporté les couleurs et les traditions de leurs pays d’origines. Les Badonvillois d’aujourd’hui sont pour beaucoup, les enfants et les descendants de ce riche héritage socioculturel.
Le pic de l’activité se situe vers 1950 où le groupe FENAL produit 30% de la production nationale de faïence.
Jusqu’au début des années 1960, la faïencerie conservera son potentiel et une main d’œuvre abondante. La manufacture compte plus de 900 salariés. La régression du chiffre d’affaire continuant, on s’est orienté vers la robotisation de la production. Il n’y aura pas de licenciement, mais le personnel qui quitte l’entreprise ne sera plus remplacé.
En 1958, l’installation de la machine « MILLER », venue des États-Unis bouleversera l’entreprise.
Avec un personnel nombreux, on pouvait mouler 20 000 assiettes par jour. Avec cette machine, surveillée par 3 ouvriers, la production atteignait 120 000 assiettes par jour…
Le déclin s’annonce avec l’arrivée d’une vaisselle en verre trempé, résistante au lave-vaisselle !
En 1963, c’est la fin de l’autonomie financière et BADONVILLER est intégrée dans le groupe FENAL. Malgré des efforts d’investissement en 1981, les exercices comptables sont généralement déficitaires et le « dégraissage » du personnel a continué.
En 1985, il n’y avait plus que 190 ouvriers.
En 1986, un timide répit s’amorce : on décide que les faïences de BADONVILLER seront recherchées pour la qualité de leur finition. La décoration du type transfert par silicone donne une grande finesse et la polychromie résiste à présent au lave-vaisselle. Maria CZUK s’illustrera dans les nouveaux décors et sera le dernier peintre-céramiste à BADONVILLER.
Mais ce renouveau ne durera qu’un temps et on s’est remis à une production hôtelière sans décor. Le personnel s’angoisse de voir partir des machines à émailler pour DIGOIN.
L’agonie de la manufacture se marque par un licenciement massif de personnel en 1988 et à la fin de l’année, la main-d’œuvre est réduite à 90 personnes.
La faïencerie de BADONVILLER fermera définitivement le 28 février 1991 et marquera un net déclin de l’activité économique, entrainant la fermeture de nombreux commerces et services. Le gueulard* s’est tu définitivement ! (* sirène qui annonçait les changements d’équipes et qui résonnait pour prévenir les ouvriers que l’usine les attendait, un peu comme un lugubre angélus !)
(Inspiré de l’ouvrage rédigé par Pierre PONCET : Les Grandes Heures des Faïences de BADONVILLER paru en mars 2012).
MUSÉE-ATELIER CÉRAMIQUE ET VERRE
13 Avenue Division Leclerc / 54540 BADONVILLER
Tel : 03 83 42 19 57 – 03 83 42 10 52
Mail : musee.badonviller@orange.fr
Ouverture
Du 15 juin au 30 juin : samedis et dimanches
Du 1er juillet au 1er septembre : vendredis, samedis et dimanches
Horaires : 14h à 18h
Ouvert sur rendez-vous toute l’année pour les groupes.
Tarifs
Adultes : 3 euros
Jeunes (de 13 à 25 ans) : 2 euros
Enfants (-de 13 ans) : gratuit
Sur place
Visite des collections (faïenceries de Pexonne et Badonviller), démonstration des techniques de fabrication de faïences.
Boutique
Possibilité d’acquisition de vieilles faïences, de pièces uniques créées sur place et d’objets d’artistes locaux (bijoux, sculptures, etc….)
Cliquez sur les photos pour les agrandir.